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BLOG D’INFOS DU VALAIS TECHNOLOGIQUE, INDUSTRIEL ET INNOVANT

06.03.2018

Séquencer son ADN, entre risques et opportunités

Conférence TechnoArk
Conférence TechnoArk
ACTUS

Le séquençage du génome humain a de plus en plus la cote de nos jours. Il s’agit d’une source importante de données, pour offrir une médecine plus préventive et plus personnalisée. Mais, revers de la médaille, c’est également une source de problèmes, notamment du point de vue de la protection des données. Il est en effet quasiment impossible d’anonymiser complètement un séquençage d’ADN, selon Mathias Humbert du Swiss Data Science Center. Ce dernier s’exprimait lors de la dernière Conférence TechnoArk, qui a eu lieu à Sierre.  


Le premier séquençage du génome humain a été réalisé 2003. C’était une révolution en soi. Depuis, le coût de séquençage est passé de 10 millions à 1’000 dollars l’unité. Conséquence immédiate : le nombre de génomes séquencés double chaque année. Dans 10 ans, 1 milliard d’individus auront leur ADN séquencé. « Il y a donc une avalanche de données disponibles, et cela va continuer », selon Mathias Humbert. 

En Suisse, le Swiss Personalized Health Network est actif dans ce domaine, pour promouvoir la science génomique et biomédicale. Des géants comme Apple, IBM et Google s’engouffrent également dans la brèche. 



Vers une médecine plus préventive
Mais que nous promettent ces données ? « Cela ouvre la porte à une médecine plus préventive (avec un diagnostic plus précoce) et plus personnalisée, mais aussi une approche plus récréative ». C’est notamment le cas lorsque l’on peut envoyer sa salive à une entreprise spécialisée comme 23andme, dans le seul but de découvrir son mélange ethnique ou des membres de sa famille. 

Ces tests peuvent même donner des probabilités de souffrir de telle ou telle maladie. « Ceci n’a pas une grande crédibilité médicale, mais cela nous prévient ou au contraire nous stresse ». Reste que ces entreprises ont le vent en poupe, et elles monétisent leurs données. « En échange d’un coût de séquençage bas, vos données sont partagées avec des entreprises pharmaceutiques, par exemple », rappelle Mathias Humbert.  



Notre génome pour nos assureurs maladie ? 
Dans le même ordre d’idée, certains assureurs nous octroient des baisses de primes lorsque l’on fait suffisamment d’activité physique chaque jour. « Ira-t-on encore plus loin, avec un partage de son génome ? », se demande Mathias Humbert. 

Il faut savoir que le génome contient un grand nombre d’informations sur nos capacités physiques, notre propension à avoir certaines maladies ainsi que des données sur nos liens familiaux. Même les clubs de football, à l’instar du Lausanne-Sport, se mettent à séquencer l’ADN de leurs joueurs, afin de mieux connaître leur effectif.  

 

La vie privée en question
Pourtant, des menaces planent actuellement sur ces données et en premier lieu celles liées aux hackers. « Les données de santé sont souvent ciblées, tout comme les hôpitaux avec des randsomware ». Des erreurs d’employés peuvent également conduire à la mise en ligne des données de patients. 

Ceci pose la question de la vie privée. A partir du moment où le génome donne des informations sur nous-mêmes, mais également sur les membres de notre famille, est-il judicieux de publier ou partager notre code génétique sans accord de nos proches ? Il n’y a ainsi pas vraiment d’anonymat lorsque l’on partage son génome. 

Dès lors, comment protéger notre vie privée ? Mathias Humbert donne trois pistes :  

  1. Se baser sur le serment d’Hippocrate, tout en sachant que celui-ci est un peu dépassé par les technologies modernes. 
  2. Mettre en place des mécanismes légaux. « C’est déjà le cas aux USA et cela arrive en Europe, dans le sillage du Règlement général sur la protection des données (RGPD) ». 
  3. Utiliser des solutions techniques, comme le contrôle d’accès, le cryptage des données ou la confidentialité différentielle. 

Ce n’est qu’avec ces garde-fous que l’on peut toujours faire de la recherche basée sur le génome, mais sans atteinte à la vie privée. 
 

Propos recueillis le 26 janvier 2018 à l’occasion de la Conférence TechnoArk